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« Restez chez vous » est l’obligation gouvernementale à respecter depuis le 14 mars. Notre planning habituel d’ateliers organisés chaque semaine tombe à l’eau. Comment continuer ces ateliers sans rassemblements possibles ? Comment favoriser la participation et l’expression tout cela à distance ?

 

Notre maîtrise du numérique nous a rapidement motivés à organiser des ateliers en ligne. Certains appellent cela des « live », d’autres des « call-vidéo », ou bien encore des « vidéo-conférence ». Pourtant difficiles à nommer, ces rendez-vous virtuels s’avèrent être un véritable moyen de communication qui rythme notre quotidien.

 

Par écrans interposés, ces rencontres en ligne, c’est comme ça que je les appellerai, peuvent-elles être qualifiées d’ateliers d’éducation permanente ? Elles me semblent exclure celles et ceux qui ne disposent pas d’outils numériques efficaces (tablettes, smartphone, ordinateur), d’une bonne connexion internet, d’une maîtrise responsable de ces outils ou encore d’un accompagnement. La fracture numérique pèse toujours et encore. A l’heure où les « consommations numériques » se rapprochent dangereusement du « lien social », il y a de quoi être perplexe. Surtout lorsque résonnent les alertes concernant des méfaits que peuvent avoir les ondes, les écrans et nos usages médiatiques non responsables sur notre appréhension du monde, sur notre santé physique et mentale.

 

« Je te l’ai écrit en mp » a déjà partagé une participante, caméra et micro allumés. De nouveaux mots se nichent dans notre vocabulaire et témoignent de nouveaux rapports au monde, aux autres et à soi.

Nous avons déclaré face caméra, « on est chez nous, mais on reste ensemble » sur un groupe Facebook pour motiver des usagers du Passage 45 du CPAS de Charleroi à nous rejoindre lors de rendez-vous. Tous les jours de la semaine (pendant 1h) jusqu’au 11 mai, ils ont eu la possibilité de participer avec nous à une conversation conviviale filmée derrière nos écrans. Se parler pour partager des nouvelles se révèle être le principal objectif de ces rendez-vous virtuels à l’exception de ceux du mardi et du vendredi. Deux fois par semaine, et ce jusqu’à la reprise des ateliers nous proposons des « revues de presse » pour aborder l’actualité.

 

La plateforme Jitsi s’est révélée être un bel outil pour discuter à plusieurs et mener un entretien à distance. Avec l’intention d’éviter un discours « ex cathedra », où la circulation est uni sens, nous alimentons ces ateliers en live en partageant notre navigation sur internet et en animant des Photolangages. Mécanisme d’animation simple avec comme principe : partager une image recadrée pour faire deviner son message et son contexte. Un moyen efficace qui fait émerger l’expression sur des thématiques précises (COVID19, alimentation, sport, initiatives culturelles etc.).

Ces ateliers en ligne s’avèrent être un espace-temps idéal pour partager des opinions, des informations, des références culturelles, etc. Les sujets y sont très variés, aussi bien personnels et légers que sérieux et utiles, voire parfois politiques. Tous et toutes submergé.e.s par les flux permanents d’informations, ces ateliers vidéo permettent d’échanger des découvertes, des questionnements et incompréhensions pour s’aider ensemble à déchiffrer le vrai du faux.

 

Néanmoins, discuter face à son écran demande des efforts d’adaptation et de concentration. Est-ce que je parle assez fort ? Est-ce à mon tour de m’exprimer ? Comment prendre la parole ? Est-ce qu’on me voit ? Que montrer en arrière plan ?

 

Outre les problèmes techniques souvent liés à la connexion internet, ces ateliers en live nécessitent un nouveau comportement jusqu’à parfois même une nouvelle identité « virtuelle ». Certains absents à ces rendez-vous en ligne ont justifié qu’ils ne voulaient pas montrer leur chez-eux. Ils considèrent que se filmer chez soi est intrusif. Ils ont peur de partager des informations personnelles.

 

Après quelques semaines d’ateliers en ligne, les conversations semblaient naturellement s’essouffler, comme si nous arrivions petit à petit à saturation. Ras le bol d’être confinés et de discuter de la triste réalité. C’est grâce aux partages spontanés d’anecdotes, de clips musicaux, de dessins et d’expériences que la dynamique du groupe s’est améliorée. Nous avons même testé des jeux en ligne pour se changer les idées, rigoler tout simplement… et être ensemble.

 

Même si les ateliers en ligne sont proposés à l’ensemble du groupe Facebook « Les ateliers du P45 » (54 membres), nous y retrouvons toujours les mêmes participants et participantes allant de 2 à 5 personnes.
Semaine après semaine, une confiance s’est installée dans le groupe ce qui a permis d’échanger des réflexions personnelles, comme par exemple, « j’ai peur d’aller à l’hôpital demain », « quel jour sommes-nous ? » « C’est difficile de garder un rythme de vie. » Ce partage d’émotions et de ressentis est rassurant.

Pour essayer de mieux comprendre le faible nombre de participants, nous avons publié un sondage

« Internet & vous ». 14 personnes ont déjà répondu. Certaines réponses à propos des « live » avec le Gsara exposent que « les conversations sont très intéressantes, on partage nos points de vues »et que « cet atelier est enrichissant et amusant en même temps ».
Nous essayons de savoir si les ateliers en live pourraient être suffisants à l’avenir. Les avis divergent. Malgré la rapidité des échanges et les avantages logistiques, il s’avère que les rapports humains restent indispensables.

 

Ecrit par Victoire Delignies, animatrice multimédia, le 13 mai 2020