Chômeurs d’après ….
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Novembre 2013, espace citoyen de Marchienne.
En ce brumeux matin de novembre, nous avons rendez-vous avec une dizaine de chercheurs d’emploi engagés dans un dispositif d’activation appelé « Motiv’moi, parrain’moi ». Il s’agit pour ces personnes de travailler sur leurs compétences et la présentation de celles-ci à l’employeur, de trouver et de prester un stage en entreprise pour, au final, espérer décrocher un contrat d’embauche. Ce processus est mis en place et suivi par la MIREC (Mission Régionale pour l’insertion et l’emploi à Charleroi) et dure 4 mois.
Durant cette période, ces dix personnes sont soumises à la stricte observation des consignes classiques : être présent, arriver à l’heure, participer aux activités, rédiger son curriculum, se rendre aux rendez-vous, prester son stage, …. Une façon pour eux de se donner les moyens de trouver un job, une chance de rencontrer des camarades de galère, mais surtout le meilleur moyen de ne pas être inquiété par l’ONEM durant ces longs mois !
Nous avons rencontré ces personnes alors qu’elles en étaient à mi-parcours ; la plupart étaient déjà en stage en entreprise lorsque nous avons entamé la réflexion sur leur parcours et le sens de leur démarche présente que l’on pourrait juger – de prime abord – éminemment positive.
Et pourtant, malgré tous les efforts, toutes les recherches, toutes les versions personnalisées de leur curriculum, d’espoir de décrocher un job : point. Les stagiaires se retrouvent occupés dans des entreprises trop heureuses de voir débarquer de petites mains qu’ils ne paieront pas et aucuns d’entre-eux ne nous a avoué se faire d’illusion sur ses chances de voir ces stages déboucher sur un engagement concret. Ajoutons que nos camarades touchent pour tout salaire le défraiement prévu pour les chômeurs en cours de formation : un euro de l’heure ( !? NDLR : Vous avez songé au mot dignité, là ? Moi aussi… )
Dans ces conditions, alors que l’emploi se fait de plus en plus rare, alors que les plans d’embauche se succèdent et embrigadent de force toute une frange de la population dans ses méandres administratifs et ses contraintes justificatives, comment parler sereinement de soi et de la société ? Comment envisager son rapport à elle autrement que dans le conflit ? Comment en parler avec des gars qui ont un boulot et échanger collectivement alors que tout le système tend à opposer « travailleurs » et « chômeurs » ? Comment parler librement alors que tout le dispositif dans lequel on vit vous culpabilise, vous chaperonne, vous surveille, vous rappelle qu’en l’état actuel des choses, si vous ne travaillez pas, c’est de votre faute !
Nos objectifs en tant qu’animateurs étaient fixés à l’avance :
- · Travailler sur la confiance en soi et sur l’expression verbale et corporelle.
- · Poser un regard critique sur sa situation individuelle de demandeur d’emploi.
- · Construire une démarche collective d’expression en relation avec la problématique de l’emploi et du travail en général.
En supplément de ces objectifs liés à l’objet même du module de formation, nous voulons aussi introduire une réflexion sur les médias et la façon dont on élabore des messages audiovisuels.
Nous avions 5 jours.
Nous avons donc échangé sur tout cela : les conditions du stage, la position très inconfortable des chômeurs dans notre société, les petites vexations aux entretiens d’embauche, la vie au boulot, la vie à la maison, la place que la société (ne) nous réserve (plus), la place que le système actuel nous réserve… Défrichant le champ des possibilités qui s’offrent à nous en tant que travailleurs, en tant que citoyens, nous nous sommes projetés dans l’avenir, à la recherche d’une lueur d’espoir qui, dans le contexte présent, fait cruellement défaut.
Le plus tragique dans cette histoire collective étant l’inéluctabilité de cette évolution du monde du travail. Il semblait logique pour tout le monde que si l’on construit des robots pour remplacer des humains, il n’y ait bientôt plus de travail pour ces derniers. Et que logiquement libéré de son labeur, l’homme, oisif, pourra consacrer sa journée à d’autres tâches. Bizarrement, cette libération n’a pas été prise en compte par le système économique.
Ce dernier, dans une logique néo-libérale ou le seul objectif déclaré d’une entreprise est la rentabilité pécuniaire, justifie donc tous les moyens qui conduisent à la rentabilité maximum : plan de redressement, retour de la compétitivité, relance, …. Tout ce vocabulaire camoufle mal le corrélat de leur nature implacable : la perte d’emplois. Ainsi donc, la situation se « dégrade », le travail se dévore lui-même et inéluctablement, le nombre de sans-emploi grandit toujours plus …. Encore quelques années et trouver un emploi sera l’occupation commune d’une majorité de travailleurs. Quelques années supplémentaires suffiront à voir les derniers gros employeurs se fusionner entre-eux et ne plus laisser en guise de conclusion qu’une seule structure pour nous tous : le chômage.
S’en sera alors – espérons-le – finis d’être discriminés pour ne pas avoir d’emploi ! Finis d’être vu comme un parasite puisque nous nous activerons tous de plus belle pour le dernier poste vacant de tout le système : directeur des chômeurs !
Car il ne faut pas croire qu’être chômeur, c’est être oisif ! Il faut aujourd’hui envoyer tel nombre de candidatures, constituer un dossier, téléphoner à son référent, s’inscrire dans de longues formations pour éviter le contrôleur tatillon ou mal luné, défiler aux entretiens d’embauche parfois humiliants, prétendre que l’on vaut mieux que le voisin, prouver que l’on veut plus, que l’on sacrifiera davantage, que l’on veux vraiment s’en sortir (de quoi ?) pour un salaire toujours plus mesquin et versé avec un lance-pierre ! Ah non, elle n’est pas facile la vie de chômeur en ces temps ! C’est d’ailleurs pour y mettre un peu d’ordre que nos stagiaires, rassemblés en coopérative de chômeurs, vont engager le dernier candidat – patron sur le marché pour l’ultime poste de gestion des ressources humaines du pays : leur directeur, le patron des chômeurs !
Nous avons eu, pour tout ce processus de réflexion, de décision, d’échanges et d’écriture, 3 journées pleines. Nous avons tourné les deux capsules en deux jours, jonglant avec l’emploi du temps des stagiaires déjà envoyés en stage.
Vous pouvez découvrir le résultat ici :